Sciences Industrielles pour l’Ingénieur

De l’objet technique à l’objet pluritechnologique

Un objet technique au sens large, quel qu’il soit, est toujours inventé pour l’homme et par l’homme. Cet objet technique est créé pour pallier ses insuffisances physiques (lui épargner un effort physique trop important par exemple), pour améliorer son confort ou pour effectuer des travaux complexes ou répétitifs.

Au cours de ces dernières décennies les besoins ont profondément évolué. Les objets techniques sont devenus plus sophistiqués et les « règles de l’art » insuffisantes et souvent inadaptées face à un nécessaire processus de création. La conception s’est alors progressivement appuyée sur les résultats démontrés dans les sciences fondamentales. Mais la faiblesse des moyens de calcul dont la communauté scientifique disposait il y a encore une cinquantaine d’années, suffit à expliquer, voire à excuser, le développement de « techniques d’experts » plutôt que de méthodes scientifiques rigoureuses. Avec l’évolution de ces moyens l’enseignement a changé : de technique il est devenu technologique.

Rappelons que la technologie est l’ensemble des savoirs et des savoir-faire dans un domaine industriel, fondés sur des principes scientifiques, permettant l’étude des machines et des techniques (ensemble des procédés et des méthodes d’un métier, d’une industrie). Elle s’appuie sur des méthodologies rationnelles élaborées à partir de modélisations et d’expérimentations.

Progressivement, les objets techniques sont devenus pluritechnologiques et leur réalisation s’est appuyée sur l’évolution des sciences. Toutes les sciences, appliquées à la réalisation d’un objet, sont appelées sciences appliquées ou sciences de l’ingénieur. Elles permettent l’analyse, la conception et la mise en œuvre des objets pluritechnologiques très répandus dans notre environnement. Ainsi, la mécanique, la thermodynamique, la mécanique des fluides, l’automatique, l’électronique, la chimie sont nécessaires à la réalisation d’objets pluritechnologiques contemporains. Dans ces disciplines, les problèmes posés peuvent être résolus de manière exacte ou algorithmique grâce aux mathématiques. Lorsqu’elles sont appliquées à certains domaines précis comme la C.A.O. (Conception Assistée par Ordinateur) par exemple, les mathématiques peuvent aussi être considérées comme des sciences de l’ingénieur.

Cette évolution, lente dans les esprits, est cependant inexorable. Elle se traduit par une présence beaucoup plus grande des sciences de l’ingénieur dans la formation en C.P.G.E..

Les sciences industrielles pour l’ingénieur en C.P.G.E.

Dans un monde industriel et économique qui se complexifie sans cesse, les ingénieurs de demain devront être innovants et performants. En dehors des sciences fondamentales qui constituent un noyau dur des connaissances, les responsables des Grandes Écoles ont constaté que l’assimilation des démarches propres aux sciences de l’ingénieur ne pouvait plus se faire en trois ans, mais devait plutôt se répartir sur les cinq années Post-Bac afin de mieux préparer les étudiants aux métiers de l’ingénieur.

Les sciences de l’ingénieur occupent une place de choix dans la nouvelle structure des C.P.G.E.. Elles apparaissent dans le nom des trois filières de première année (MPSI : Maths, Physique, Sciences de l’Ingénieur ; PCSI : Physique, Chimie, Sciences de l’Ingénieur ; PTSI : Physique, Technologie, Sciences de l’Ingénieur), ainsi que dans celui d’une filière de deuxième année (PSI : Physique et Sciences de l’Ingénieur). Elles n’apparaissent pas cependant dans les grilles horaires en tant que discipline. Par leur nature même et pour tenir compte de la réalité industrielle, leur enseignement est organisé autour de deux pôles :

Les sciences physiques avec l’électronique, la thermodynamique, la mécanique des fluides et la chimie.

Les sciences industrielles avec la mécanique et l’automatique dans les filières MP, PSI et PT mais aussi l’électronique et l’électrotechnique dans les filières TSI et ATS.

Les sciences industrielles

Les sciences industrielles regroupent les sciences de l’ingénieur et les technologies associées. Leur enseignement est caractérisé par le fait qu’il part d’un système réel et tente de l’appréhender dans toute son étendue et complexité (technologique, économique et sociale). Il s’articule avec celui des sciences fondamentales. Loin de s’opposer, ces disciplines se complètent harmonieusement et s’interpénètrent mutuellement. En effet, les sciences fondamentales se développent et se concrétisent souvent parallèlement à l’émergence de technologies nouvelles. Les sciences industrielles, quant à elles, mettent en œuvre et exploitent des phénomènes scientifiques pour produire des objets pluritechnologiques (par exemple : télescopes, four à micro-ondes,…).

Les sciences industrielles, par la transversalité de leur enseignement, constituent une composante indispensable à la formation scientifique de futurs responsables de grands projets industriels. Elles font appel à l’élaboration de modèles (représentation mathématique) afin de simuler, comprendre, maîtriser et faire évoluer un système pluritechnologique trop complexe pour être appréhendé dans sa globalité. Ces modèles seront ensuite confrontés au réel et validés ou invalidés.

Cette démarche développe tout particulièrement le goût du concret et de l’action, l’esprit de projet et de travail en équipe, le sens du compromis, la créativité en réponse à une demande de produits nouveaux et innovants, une démarche d’approche inductive et itérative vers une solution qui n’est jamais unique.

Les sciences industrielles présentent donc une dimension fédératrice originale par rapport à l’enseignement actuel, essentiellement orienté vers la restitution des savoirs. Autour de la notion de projet, elles font appel à un ensemble de concepts et de situations difficiles à gérer par un individu. Elles requièrent nécessairement un travail en groupe qui préfigure le mode de fonctionnement en entreprise.

Dans les filières MP, PSI et PT l’enseignement de sciences industrielles est construit autour de mécanique, de l’automatique et de l’étude des systèmes. Dans les filières TSI et ATS, s’y ajoutent l’électronique et l’électrotechnique.

La mécanique est la science à la base de l’étude des mécanismes. Elle s’appuie sur la cinématique (étude des mouvements), la dynamique (étude des efforts) et la résistance des matériaux (étude des déformations).

L’électronique étudie et utilise les variations des grandeurs électriques (champs électromagnétiques, charges électriques) pour capter, transmettre et exploiter une information. Ce sont les progrès techniques dans ce domaine qui ont permis notamment la naissance et le développement de l’informatique et des réseaux informatiques.

L’électrotechnique étudie la production, le traitement, le transport et l’utilisation de l’énergie électrique.

L’automatique est la science à la base de l’étude des systèmes automatisés. Ceux-ci sont constitués d’une chaîne d’action et d’une chaîne d’informations. La chaîne d’informations gère les informations et donne des ordres à la chaîne d’action qui les exécute. Les systèmes automatisés se sont développés au moment de la seconde guerre mondiale. Leur optimisation a été rendue possible grâce à l’automatique ou « science de la commande » qui formalise des concepts scientifiques spécifiques, en s’appuyant sur des modèles qui lui sont propres ou qui sont issus des mathématiques ou de la physique. Discipline fédératrice, l’automatique s’appuie sur la mécanique, l’électronique, l’hydraulique, la pneumatique, l’optique, la thermique,… pour analyser, concevoir et réaliser la partie commande d’un système.

L’analyse des phénomènes est particulièrement développée en sciences physiques, alors que l’approche systémique est privilégiée en sciences industrielles. Cette approche conduit à appréhender un objet pluritechnologique dans sa globalité. Ses composants ne sont pas considérés isolément, mais comme partie intégrante d’un ensemble dont les éléments sont dans une relation de dépendance réciproque.